Les symptômes de la grande transformation qui commence à toucher le petit écran se multiplient. Le système actuel, voué à décliner lentement, reste néanmoins puissant.
« And the winner is... Periscope ! ». Le véritable vainqueur du combat du siècle entre Floyd Mayweather et Manny Pacquiao n’a pas eu besoin d’enfiler les gants ou de l’aide des arbitres pour sortir grandi du petit ring des médias. Comme l'a noté (en moins de 140 caractères) Dick Costello, le Pdg de Twitter, sa nouvelle application – qui permet à n’importe qui de diffuser en ligne un flux vidéo en direct capté depuis un smartphone – a été plébiscitée par ceux qui n’avaient pas jugé utile ou raisonnable de s’offrir l’onéreux combat de boxe en pay-per-view.
Si besoin était, voilà un symptôme supplémentaire de la grande transformation qui commence à toucher le petit écran. « On a eu 80 ans de télévision linéaire, c’était fantastique. Comme la machine à faxer l’était, à une époque... », s’amusait début mai Reed Hasting, le fondateur de Netflix, devant la presse américaine. « Les vingt prochaines années bâtiront la télévision Internet », annonçait-il sans prendre beaucoup de risques.
« Délinéarisation » de la télévision
Car on commence, concrètement, à comprendre à quoi la télévision sauce Web pourrait ressembler. Dans le monde d’après, la manière de faire, de diffuser et de monétiser du contenu vidéo sera forcément différente. A dire vrai, beaucoup reste à inventer – des métiers devant être créés et d'autres oubliés. « En gros, la télévision ne s’adressera plus à un foyer, mais à des individus en utilisant les données pour cibler la publicité et personnaliser le contenu, esquisse Ed Barton, responsable des analyses Télévision du cabinet Ovum. Peut-être que dans une dizaine d’années, les gens ne se soucieront plus du tout des chaînes et ne regarderont plus que des flux vidéo configurés selon leurs désirs, le type d’écran, l’heure de la journée ou le moment de l’année », suggère-t-il.
Concrètement, les premiers signes de la « délinéarisation » de la télévision sont déjà là. En France, sur certaines émissions comme « The Voice », la part de l’audience hors direct atteint la barre des 10 %. Aux Etats-Unis, selon une récente étude de Deloitte, il faut avoir plus de 30 ans pour regarder en majorité les programmes télé sur un téléviseur. En dessous de la trentaine, c’est le règne de l’ordinateur ou des terminaux mobiles. Et l’air de rien, le temps passé devant le petit écran a commencé à diminuer, de 6 minutes en France l’an dernier, selon les chiffres de Médiamétrie.
Protection par différentes réglementations
Bien entendu, la télévision telle qu’on la connaissait ne sera pas balayée d’un coup. Les acteurs en place ne vont pas laisser les nouveaux venus leur prendre facilement la place. « Quelques-uns d’entre nous réussiront à se réinventer, juge Alex Wellen, le directeur des produits de CNN . C'est sexy de dire que Facebook va tuer un câblo-opérateur comme Dish, mais nous n’y sommes pas encore », prévient-il. Même si en ce moment, plus de 4 milliards de vidéos sont visionnées chaque jour sur Facebook, contre seulement 1 milliard en septembre dernier...
De fait, le système actuel, voué à décliner lentement, demeure puissant. Les chaînes linéaires sont aujourd’hui relativement protégées par les différentes réglementations, et par les habitudes des annonceurs, encore « accros » aux grosses audiences. Même les producteurs auraient intérêt au statu quo : aujourd’hui, c’est bien la « télé à l’ancienne » qui paye le plus cher les contenus les plus premium, comme le football. Mais à l’avenir, le cadre sera radicalement différent. Avec une télé à la carte, le nombre de programmes est infini, le prime-time n’existe plus, ou presque. Amazon n’a pas fait fortune en vendant des best-sellers, mais en s’appuyant sur une qualité de bande passante optimale, et sur un inventaire infini.
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